Louis Delaporte

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Louis Delaporte
Louis Delaporte, en 1882.
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Cimetière du Père-Lachaise, Grave of Delaporte (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Louis Marie Joseph Delaporte né à Loches (Indre-et-Loire) le et mort à Paris le est un officier de marine décoré de la Légion d'honneur, un explorateur français et un conservateur du musée Indochinois du Trocadéro[1]. Après avoir été frappé d'émerveillement lors d'une exploration, par la vue de la beauté du site du complexe monumental d'Angkor, Louis Delaporte voue sa vie à faire connaître l'art khmer et à le faire entrer dans les musées, en présentant des collections de nombreux moulages qu'il a réalisé ainsi que des croquis, dessins et tout de même quelques pièces originales au public et surtout aux scientifiques.

Biographie[modifier | modifier le code]

Louis Delaporte est né le 11 janvier 1842 à Loches, il est le fils de Jean Armand Delaporte avocat à Loches et de Julie Marie Élisabeth Faguet de la Bissionière.

Une vocation de marin[modifier | modifier le code]

Très jeune, Louis Delaporte décide d'être marin. Son père, avocat, ne s'oppose pas à cette vocation précoce. Louis quitte donc le collège d'Orléans pour s'inscrire à celui de Lorient qui prépare l'entrée à l'École navale de Brest où il est reçu en 1858 à l'âge de 16 ans. Il s'aperçoit qu'il souffre du mal de mer.

Il est nommé aspirant en 1860 et embarque pour le Mexique à bord de la Foudre où il contracte la fièvre jaune. Il est à la fois excellent violoniste et dessinateur talentueux. Louis Delaporte se remet vite et repart à nouveau pour le Mexique sur l'Albatros.

Après plusieurs expéditions, notamment en Islande, Delaporte accède au grade d'enseigne de vaisseau. Recruté en raison de ses talents de dessinateur, Louis Delaporte part en 1866 en Cochinchine et est désigné avec le capitaine de frégate Ernest Doudart de Lagrée qui prend la tête de l'expédition avec en outre un chirurgien de marine qui est aussi botaniste, un médecin qui est aussi géologue, pour la Mission d'exploration du Mékong, mission d'exploration et de recherche des sources du fleuve[2].

Delaporte découvre à cette occasion le site d'Angkor. La mission permit de découvrir une voie navigable autre que le Mekong pour relier le Yunnan à la mer (Fleuve Rouge). Les difficultés rencontrées forcèrent la mission à favoriser la voie terrestre à partir de Xieng Khouang puis le retour fut effectué par le Yang-tsé-Kiang. Doudart de Lagrée y laissa la vie et les survivants regagnèrent Saïgon par la mer sous le commandement de Francis Garnier.

Une passion pour Angkor[modifier | modifier le code]

Louis Delaporte et ses collègues de la mission Mékong.
Voyage au Cambodge 1880 Louis Delaporte.

La découverte d'Angkor qui fut pour lui la révélation de tant de beauté et de splendeur est telle que Delaporte "conçoit le vaste dessin de faire connaître l'art khmer à l'Europe" de ces ruines oubliées du complexe monumental d'Angkor de 400 km2 comprenant 200 temples.

La vision d'Angkor a profondément changé Delaporte, à tel point qu'il décide alors de consacrer sa vie à faire connaître cette civilisation qu'il compare en importance à celle de l'Égypte.

Louis Delaporte décrit ainsi comment la découverte du site d’Angkor le bouleverse : « Je n’admirais pas moins la conception hardie et grandiose de ces monuments que l’harmonie parfaite de toutes leurs parties. […L’art khmer…] s’écarte, il est vrai, de ces grandes œuvres classiques du bassin de la Méditerranée qui pendant longtemps ont seules captivé notre admiration : ce ne sont plus ces colonnades majestueuses ; ce sont au contraire des formes laborieuses, complexes, tourmentées : superpositions, retraits multiples, labyrinthes, galeries basses à jour, tours dentelées, pyramides à étages et à flèches innombrables ; une profusion extrême d’ornements et de sculptures qui enrichissent les ensembles sans en altérer la dignité ; c’est, en un mot, une autre forme de beau.

Louis Delaporte dégage le temple du Bayon et relève les plans d'Angkor Vat.

De retour en France en 1868, il est promu au grade de lieutenant de vaisseau et fait chevalier de la Légion d'honneur ( LH/702/62) en 1872.

Quand la guerre de 1870 éclate, il est appelé à la surveillance des côtes françaises dans le Nord. Cependant, il n'oublie pas pour autant les splendeurs aperçues quelques années auparavant à Angkor. Son projet d'enrichir les musées de France d'une collection d'antiquités khmères est plus vivace que jamais. Bien sûr, il lui faudra retourner au Cambodge dans cette jungle étouffante de chaleur, infestée de serpents et de moustiques, mais si riche de merveilles.

Après une interruption due à la guerre de 1870, il ne repart qu'en 1873–74, avec l'appui de la Société de géographie en mission officielle d’étude. Louis Delaporte obtient des ministères de la Marine, des Affaires étrangères et de l'Instruction publique, une double mission :celle de vérifier la navigabilité du fleuve Rouge de son delta jusqu'au Yunnan et celle de constituer la première collection officielle d'art khmer en France[3],[4].

"Reproduction de dessin. Palais du roi Khmer. Phimanakas d'Angkor Thom. Terrasse Nord" (titre inscrit) Vue d'une reproduction de dessins de Louis Delaporte.


Louis Delaporte, dans des conditions très difficiles, effectue une « moisson archéologique » constituée de statues, fragments d'architecture et moulages, auxquels s'ajoutent documents topographiques et dessins. Louis Delaporte prélève quelques pièces qu'il souhaite arracher à la nature qu'il perçoit comme profondément destructrice. Ces pièces constituent le noyau des collections d'art khmer du musée Guimet, à Paris[5].
La végétation qui disloque les édifices protège, néanmoins, la surface du grès — en particulier les sculptures — comme sous une serre, contre les violents écarts d'humidité entre période humide et sèche qui fait éclater la pierre en surface. L'état de surface des bâtiments qu'il a vu et que ses plâtres vont relever est donc quasiment celui du XVe siècle, au moment où l'empire d'Angkor s'est effondré, et Angkor Vat a été abandonné.

Certains sites font l'objet de ces prélèvements, sauf le temple du Bayon qu'il dégage et Angkor Vat — encore quelque peu entretenu — dont il relève le plan. Transporté à dos d'éléphants et par radeau le tout est chargé sur la canonnière Javeline qui prend le chemin du retour. Il dit avoir acheté ou échangé ces pièces auprès des autorités locales avec l'appui et l'approbation du Gouverneur général, et que le roi Norodom Ier du Cambodge accepte d’envoyer en France, en témoignage de la grandeur et de l’ancienneté de la civilisation khmère[6].

Delaporte est resté sur le terrain relativement peu de temps en raison de l'état d'épuisement total dans lequel il en est revenu chaque fois, in-extremis : l'exploration du Mékong, 1866–68, puis les deux missions personnelles, 1873–74 et 1880–81[7].

Dans son ouvrage Voyage au Cambodge, L’architecture Khmer publié en 1880, Delaporte éprouve pour les temples la même admiration et le ressenti que Henri Mouhot lorsqu'il les explora :

« La vue de ces ruines étranges me frappe, moi aussi, d’un vif étonnement : je n’admirais pas moins la conception hardie et grandiose de ces monuments que l’harmonie parfaite de toutes leurs parties. L’art Khmer issu du mélange de l’Inde et de la Chine, épuré ennobli, par des artistes qu’on pourrait appeler les Athéniens de l’Extrême-Orient, est resté en effet comme la plus belle expression du génie humain dans cette vaste partie de l’Asie qui s’étend de l’Indus au Pacifique »[8]

Angkor Vat Delaporte 1880.


Mais le musée du Louvre refuse d'accueillir la centaine de caisses d'antiquités débarquées à Toulon. C'est finalement au château de Compiègne que Delaporte réussit à faire ouvrir une salle d'exposition pour cet art encore peu reconnu. Ce n'est qu'en 1878 que, grâce à l'Exposition universelle de 1878 exposant ces œuvres au Palais du Trocadéro, que l'intérêt du public et des scientifiques s'éveille. Il faut cependant attendre 1882 pour qu'une aile du Trocadéro soit consacrée officiellement à un musée de l'art khmer.

Il manifeste son admiration véritable pour le site d'Angkor dans son livre Voyage au Cambodge, "L’architecture Khmer" qu'il publie en 1880 : « La vue de ces ruines étranges me frappe, moi aussi, d’un vif étonnement : je n’admirais pas moins la conception hardie et grandiose de ces monuments que l’harmonie parfaite de toutes leurs parties. L’art Khmer issu du mélange de l’Inde et de la Chine, épuré ennobli, par des artistes qu’on pourrait appeler les Athéniens de l’Extrême-Orient, est resté en effet comme la plus belle expression du génie humain dans cette vaste partie de l’Asie qui s’étend de l’Indus au Pacifique »'écrit-il dans son livre en concluant : « C’est en un mot une autre forme de beau »[9].

Vers un musée des arts asiatiques[modifier | modifier le code]

Delaporte effectue en 1881 un dernier voyage sur place mais il tombe gravement malade et désormais devra rester en France. Cette expédition permet d'enrichir encore le fonds du musée.

En 1889, le musée Khmer devient musée Indochinois et s'ouvre largement sur l'ensemble des arts de l'Asie du Sud-Est. En 1894, il recrute comme assistant Charles Carpeaux le fils du célèbre sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux qui deviendra par la suite archéologue et photographe en Indochine au Sanctuaire de My Son au côté d'Henri Parmentier et à Angkor au côté d'Henri Dufour. C'est grâce à Louis Delaporte qu'entre 1894 et 1901, pendant sept ans, Charles Carpeaux y acquiert une connaissance très pointue sur l'ensemble des statues sculptées sur les temples en étant capable d'en deviner les divinités qu'elles représentaient.

Louis Delaporte vers 1910.

C'est aussi un peu grâce à lui et à l'intérêt qu'il a su éveiller pour les arts du Cambodge qu'en 1898 est fondée à Hanoï l'École française d'Extrême-Orient (EFEO). En effet, c'est à Saïgon, en 1898 que le Gouverneur général de l’Indochine Paul Doumer, futur président de la République française, signe un décret qui entérine la création de la Mission archéologique d’Indo-Chine (MAI), qui deviendra l'École française d’Extrême-Orient en 1900[10].

La Conservation d’Angkor est créée dès 1908 afin de mettre les plus belles pièces à l’abri des convoitises tout en les restaurant, tandis que l’arsenal législatif se durcit. « Pas une pierre ne quittera désormais sa place sans une autorisation régulière. La période nomade est close et espérons-le, définitivement », peut-on lire dans un compte-rendu de séance datant de 1901.

La création d'une école des arts cambodgiens à Phnom Penh en 1918, sous la direction du peintre George Groslier père d'un des conservateurs d'Angkor Bernard-Philippe Groslier, concrétise un autre des désirs les plus chers de Louis Delaporte.

Devenu conservateur, Louis Delaporte dirige son musée du Trocadéro avec peu de moyens mais avec une passion intacte. Il y passe tout son temps avec sa grande blouse blanche, soit dans son vaste et froid sous-sol converti en atelier de moulage, soit dans son petit cabinet de travail encombré de plans et de dessins, ou encore sur le haut de l'échelle, rectifiant à la gouge les détails d'ornementations.

Louis Delaporte meurt l'année suivante, le 3 mai 1925 à l'âge de 83 ans.

Il laisse un immense héritage et ses collections iront enrichir le musée national des Arts asiatiques-Guimet créé en 1889[11].

Louis Delaporte est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (42e division).

De nos jours[modifier | modifier le code]

En 2013, Anne-Karen de Tournemire publie un livre sur la vie de Louis Delaporte L'instant ou se rompent les digues ; sur les pas de l'explorateur Louis Delaporte[12]À partir de la correspondance privée de l'explorateur, Anne-Karen de Tournemire part sur les traces de l'explorateur à travers une histoire romancée.

L’exposition Angkor, naissance d’un mythe, qui s’est tenue au musée Guimet du 16 octobre 2013 au 13 janvier 2014, retrace les travaux archéologiques de Louis Delaporte,

Cette exposition retrace l’univers de la recherche archéologique au Cambodge au XIXe siècle au travers de collections très différents, dont certains proviennent de musées de Phnom Penh et d’Angkor, ou encore proviennent de collections privées : entre autres, des dessins personnels de Louis Delaporte, de ses moulages ou encore de ses sculptures.

À la suite de cette exposition, un autre livre est alors édité sur l'histoire de Louis Delaporte :"Angkor naissance d'un mythe, Louis Delaporte et le Cambodge" de Pierre Baptiste et Thierry Zéphir[13],[14].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Louis Delaporte. Explorateur (1842 - 1925) par René de Beauvais - Paris 1929 - (Imprimerie des Orphelins d'Auteuil)
  • Dictionnaire de Biographie française (tome X) Dallier-Desplagnes, Paris 1965
  • Vincent Charpentier. Avec Pierre Baptiste, conservateur en chef et Thierry Zéphir, ingénieur au musée Guimet, « Angkor de la découverte à la création d'un mythe », sur INRAP : Le Salon noir, (consulté le )

Références[modifier | modifier le code]

  1. « L'explorateur Louis Delaporte a habité Saint-Prix et a contribué à la renommée de l'art kmer. », sur Le Journal de François (consulté le )
  2. Armelle Bonis, « Angkor. Naissance d’un mythe Louis Delaporte et le Cambodge. Une exposition du musée national des Arts asiatiques - Guimetdu 16 octobre 2013 au 13 janvier 2014 », Les nouvelles de l'archéologie, no 133,‎ , p. 53–55 (ISSN 0242-7702, lire en ligne, consulté le )
  3. Jules Philippe, « A la découverte de l'Art Khmer Louis Delaporte », sur theses.enc.sorbonne.fr, (consulté le )
  4. « CTHS - DELAPORTE Louis Marie Joseph », sur cths.fr (consulté le )
  5. « Exposer des moulages : le cas de l'exposition Angkor, la naissance d'un mythe (musée Guimet, Paris, 2013-2014) », sur exPosition, (consulté le )
  6. « Un destin – Louis Delaporte », sur Musée national des arts asiatiques - Guimet (consulté le ).
  7. Thierry Zéphir dans Baptiste et Zéphir /Vincent Charpentier, 2013 à 13:00 / 12:58
  8. Louis (1842-1925) Auteur du texte Delaporte, Voyage au Cambodge. L'Architecture khmer, par L. Delaporte,..., (lire en ligne)
  9. « Angkor, naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge - Archéologies en chantier », sur www.archeologiesenchantier.ens.fr (consulté le )
  10. Rémi Abad, « Histoire & Culture : École Française d’Extrême-Orient, une épopée franco-cambodgienne », sur Cambodgemag, (consulté le )
  11. « Louis Delaporte », sur carnet-escale.perso.infonie.fr (consulté le )
  12. « EFEO - Blogs - Vientiane », sur www.efeo.fr (consulté le )
  13. Pierre Musée Guimet et Thierry Zéphir, Angkor : naissance d'un mythe Louis Delaporte et le Cambodge [exposition, Paris, Musée national des arts asiatiques-Guimet, 16 octobre 2013-13 janvier 2014], Gallimard, (ISBN 978-2-07-014259-0, lire en ligne)
  14. https://flipbook.cantook.net/?d=//www.edenlivres.fr/flipbook/publications/31862.js&oid=3&c=&m=&l=&r=&f=pdf (lire en ligne)
  15. « Voyage d'exploration en Indo-Chine », sur Bibliothèque numérique mondiale : Library of Congress (consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]